Saturday, April 24, 2010

Lettre à Pat

[Dans une letter qu’il avait écrite à l’un de ses jeunes lecteurs, Howard Prese explique comment il faut s’y prendre pour bien lire un roman.]

Cher Pat,
Tu m’écris que tu as lu chacun de mes livres sauf deux- c’est tout un exploit. Toutefois, je ne peux m’empêcher de me demander si tuas bel et bien lu ces livres.

Si tu as eu àfaire un compte fendu d’un de ces livres pour ton professeur, tu as sans doute discuté des personnages, de l’intrigue, de l’aspect humouristique, selon le cas, du style et de toute autre composante fondamentale d’un roman. Mais, as tu ,tudié de près le roman pour y découvrir le message de l’auteur? As-tu pris le temps de repérer le theme du romanet de voir comment ce theme te touché personnellement? Si tu as omis de faire cela, tun’as pas vraiment lu le roman.
Je ne dis pas toutefois que tout livre écrit renferme un message cache. Prenons par exemple le roman “d’évasion”. Ce genre de roman, qui paraît surtout dans les revues populaires, n’est pas réaliste. Il ne pousse pas le lecteur à la réflexion.

Au moins la moitié dse livres pour jeunes sont des romans d’évasion qui suivent essentiellement le modèle suivent.

Notre jeune héros, pauvre mais honnête et travaillant, reçoit en cadeau unpoulain qui, semble-t-il, ne vaut rien. Mais, le lecteur lui, sait bien que ce poulain est comme le fameux villain petit canard qui s’est transformé en cygne magnifique. Grâce aux tendres soins de notre jeune héros, son poulain se transformera en un cheval de course sans pareil! Enfin , la chance sourit à notre jeune héros. Avec l’aide d’un ami, un “type” qui travaille dans une écurie de course des environs, il entraîne son cheval à la course. Nous voici à l’intrigue de l’histoire- le danger omnipresent des autres entraîneurs qui sont jaloux de notre héros et qui rôdent dans la nuit pour lui faire du tort. Vaillement, notre héros réussit à ne pas tomber dans les mains des ennemis. Au dernier chapitre, le villain petit canard gagne la course et notre héros remporte le grand prix de 50 000$.

Une telle histoire n’a rien à voir avec la réalité, Pat. Il ne s’agit pas de varies personnes et de la vie de tous les jours. Il s’agit plutôt du monde des rêves où les faits n’ont aucune importance; en d’autres termes, c’est une histoire d’évasion. Cependant, il ne faut pas croire que ce genre d’histoire nuit au lecteur. Celles qui sont divertissantes, donnent souvent aux lecteurs plus lents le goût de lire. Toutefois, un regime constant de ce genre de livres peut être nuisible car non seulement le lecteur reçoit une vue déformée de la vie mais il est aussi limité au monde des rêves.

J’ai moi-même écrit des romans d’évasion. Jungle River et Hurrricane, par exemple, sont purement fictifs. Dans les écoles de réforme où la plupart des garcons delinquents ont beaucoup de peine à s’intégrer à la société, ce genre de livre est très populaire. Tu vois donc qu’il faut toute une variété de livres pour répondre à toute une gamme de besoins. Tout de même , si tu veux apprendre à lire les grandes oeuvres littéraires plutôt que de simples revues remplies de romans-feuilletons et d’histoires de meurtre, tu dois apprendre jeune comment t’y prendre pour bien lire. Tu dois apprendre à plonger au coeur même de l’histoire pour y ressortir le message de l’auteur: soit le sens, la morale, les idées sous-jacentes, le thème de l’histoire.

De nos jours, la plupart des écrivains ne fournissent aucune explication à leurs histoires comme Esope et Lafontaine en avaient l’habitude de le faire à la fin de leuts fables. Tu dois donc essayer de trouver toi-même le message cache.


Afin de t’aider dans ton apprentissage je vais te proposer certaines lectures qui peuvent t’être utiles. Pre nons tout d’abord une chanson populaire intitulée “Bali Ha’I” tirée de South Pacific. Les paroles de cette chanson nous disent que la plupart des gens vivent en solitude dans une île perdue dans une mer brumeuse et que la plupart rêvent d’une autre île nommée Bali H’ai! Il ne faut pas prendre cette chanson au pied de la lettre, Pat. L’auteur a eu recours au langue figuré. En d’autres termes, on peut dire que l’idée ou le thème de cette peut se résumer en un proverbe bien connu, “les pommes qui setrouvent de l’autre côté du mur sont les plus douces” ou en tes propres termes tu pourrais dire que “l’homme désire toujours ce que lui appartient pas.” Cette idée comporte une vérité unverselle. Chacun de nous a déjà ressenti ce que nous dit la chanson; chacun de nous rêve parfois d’être ailleurs- de franchir les murs qui nous enferment. Cet élément de la chanson la rend populaire et la distingue des autres.

Prenons maintenant certains contes d’Hans Christian Andersen soit “Les petits souliers rouges” et “le Rossignol”. Dans le conte des petits souliers on voix que ceux-ci n’arrêtent jamais de danser. A mon avis ils représentent, ou symbolisent, une qualité distincte- la vanité ou la frivolité. Le thème est, pour moi, que, la vanité mène au chagrin, et le manqué de vanité mène à la paix et au Bonheur. A toi maintenant! Lis le conte “le Rossignol” et essaie de voir ce que représente le rossignol vivant et ses beaux chants et ce que représente le rossignol mécanique et son chant artificial. Tous deux sont des symboles. Ce conte renferme une signification, une vérité universelle. C’est la raison pour laquelle il est encore populaire de nos jours.

Voilà l’essence même de l’art et de la literature. Les grands écrvains- Hawthorne, Melville, Chekhov, Hemingway- dont tu liras sans doute les oeuvres un jour, peuvent et doivent être lus à divers niveaux. Les nouvelles et les romans de ces écrivains distingués renferment non seulement des thèmes de portée universelle, ils comportent également des insinutions et du language symbolique- c’est-à-dire qu’il s’y cache un message spécifique.

Ce ne sont pas seulement les plus grands écrivains qui ajoutent des éléments cachés à leurs romans. Tout écrivain accompli essaie de le faire.

Il ne devrait sûrement pas être trop difficile de ressortir de tells éléments des livres pour jeunes. N’importe s’il s’agit d’oeuvres littéraires ou non j’espère que ces livres serviront d’un premier pas vers l’étude des grandes oeuvres. Etudions ensemble certains livres que je connais très bien- les miens. Prenons Secret Cargo par exemple.

A la surface, il s’agit d’une histoire d’aventure et de mystère au sujet d’un coffre fermé à clé caché dans la cale d’un navire en mer. Mais, il y a in autre trésor caché dans l’histoire dont le héros, Larry, ne sait rien avant la fin de ses aventures. Lorsqu’on ouvre le coffre, il est vide- alors pourquoi le titre de Secret Cargo? Parce que le thème du livre est que,”Dans chacun de nous, au fond de notre être, il se cache des qualités, des habilités, des talents spéciaux peu exploités. On atteint rarement nos propres limites!” J’y crois encore aujourd’hui.

Ce trésor caché est donc à l’intérieure même de Larry. Le coffre plaqué de cuivre caché dans le navire n’est qu’un symbole. Qu’est-ce que j’entends par symbole? Bien, le lion par exemple est un symbole du courage. [Tu te souviens de Richard Coeur- de- lion?] L’objet qui sert de symbole représente une qualité, une idée de grande ampleur, un concept qu’on ne peut voir ni toucher. L’emploi des symboles est un moyen de donner plus de profondeur, de sens à une histoire. Reprenons. Place-toi au premier niveau, Pat, et prépare toi à plonger. A la surface, ce livre raconte l’histoire d’un coffre caché dans un navire en mer. Descendons maintenant au deuxième niveau. On raconte l’histoire d’un trésor caché à l’intérieur de Larry. Ce dernier découvre en lui certaines habilités inconnues. Descendons maintenant au troisième et dernier niveau. C’est l’histoire des secrets qui sont cachés à l’intérieur de chacun d’entre nous.

Tu vois, Pat, j’avais espéré qu’un jeune lecteur comme toi se demanderait à la fin du livre s’il possédait, comme le héros du roman, des trésors cachés. Penses-y un instant! Cherche au fond de toi-même, ressors tes trésors cachés et exploite-les. As-tu fait cela lorsque tu as lu Secret Cargo?
Enfin, Pat, nous commençons à apprendre comment il faut lire un livre. Nous en avons trouvé le thème, nous avons découvert l’emploi des symboles, nous avons noté que l’histoire superficielle, soit la découverte d’un coffre caché dans un navire, se déroule parallèlement avec l’histoire sous-jacente de la découverte que fait Larry au sujet de lui-même. Nous pouvons maintenant lire entre les lignes. On se demande alors s’il s’y cache un message qui nous touche personellement, et on se penche sur cette question…

Si, pendant un certain temps, tu lis de la façon que je t’ai proposée tu seras bientôt prèt à te lancer dans les oeuvres littéraires. Tu peux maintenant lire une grande oeuvre d’Ernest Hemingway. Il s’agit d’un de ses romans les plus courts The Old Man and the Sea. Permets-moi de t’indiquer certaines choses que tu devrais chercher.

Dès le premier paragraphe, où on lit que la voile déferlé du bateau était tout comme “le drapeau de la défaite permanente”, jusqu’aux dernières lignes du livre, “Le vieillard rêvait des lions”, le lecteur trouve une multitude de symboles, de messages cachés, d’insinuations. On Remarque que le vieillard se voit comme le frère des poissons de la mer et des oiseaux qui se sont envolés loin de la rive et qui viennent se percher quelques instants sur son bateau. Comme lui, ils font partie de la vie. On Remarque que le coeur d’une tortue qui vient d’être tuée continue de batter pendant des heures. Essaie de comprendre ce que cela signifie.

A la fin de l’histoire, le vieillard, défait, retourne à sa chaumière et s’allonge sur son lit les bras étendus,” les paumes de ses mains tournées vers le haut.” Voici le symbole du Christ sur la croix- défaite matérielle, victoire spirituelle. Le vieillard rêve encore des lions. Il n’a pas perdu son courage et sa foi.

Tu remarqueras aussi que l’auteur nomme rarement son personage principal par son nom, Santiago. Pourquoi préfère-t-il l’appeler “vieillard?” Parce qu’il représente l’humanité. Son histoire est celle de l’humanité à travers les âges. Et, pourquoi le vieillard n’a-t-il pas de femme, ni un ami de son âge à qui il peut parler? Pourquoi a-t-il plutôt un garçon comme compagnon? Parce que l’auteur avait besoin d’un jeune pour représenter la jeunesse. le vieillard transmet à ce jeune deux choses de grande valeur: d’abord, il lui apprend comment pêcher, comment gagner gagner sa vie; ensuite, il lui transmet un courage qui n’admet jamais la défaite. Dans chaque génération, l’homme doit conserver à tout prix ces deux choses s’il veut survivre, s’il veut assurer la continuité du cycle de vie.

Si tu étudie de plus près les tourises qui entrent en scène avant le dernier paragraphe et qui croient que la squelette du maquaire est celui d’un requin, tu vois qu’ils regardent la surface des choses. Ils ne comprennent pas les- choses, ils ne s’y intéressent pas. Ne fais pas comme le touriste, n’effleure pas la surface de la vie comme une araignée qui effleure la surface de l’eau.

Les éléments cachés dont nous avons discuté se retrouvent également dans un grand nombre de films européens et, parfois aussi, dans certains films américains. Le film All About Eve par exemple, qui a remporté un Oscar, finissait de façon singulière. A la fin du film, un nouveau personage entre en scène. La caméra se détourne de Bette Davis et de Celeste Holm pour se fixer sur un personage inconnu, une jeune adolescente. [Il s’agissait de Marilyn Monroe dans l’un de ses premiers petits rôles.] Cette adolescente qui tient devant elle une magnifique robe de soirée, est debout devant un panneau de miroirs. Elle voit son propre reflet scintillant dans ces miroirs. Sans l’usage de paroles, tout le sens de l’histoir se résume en une scène symbolique finale. La robe scintillante est un symbole qui a un reel impact sur les spectateurs. Elle représente le succès matériel aux dépens de l’échec spirituel, succès cruel realise en sacrifiant ses amitiés. Ce film, de sa propre façon technique, nous montre le message caché de l’histoire. Il tourne la caméra vers son auditoire et lui parle. Le film All About Eve est un excellent exemple de l’expression artistique.

Lorsque tu procèdes un telle analyse des films que tu vois et des livres que tu lis, tu en apprends davantage sur ta propre vie et sur la vie des autres. Cette méthode d’analyse te permet non seulement de comprendre le message d’une histoire mais aussi de comprendre quelque chose qui est bien plus important encore- le message de la vie!

Résumons:
J’espère que maintenant tu es en mesure de reconnaître un roman d’évasion. Un bon roman d’évasion qui se base sur une certaine mesure de la réalité peut être aussi refraîchissant qu’une averse durant les grandes chaleurs d’été. Ce ne sont que les romans de pauvre qualité dont il faut se méfier et de ceux, qui au dernier chapitre, donne au lecteur une perspective tellement déformée de la vie, qu’un regime continu de ce genre de livres risqué de devenir un obstacle au jeune qui cherche atteindre la maturité. N’oublie pas qu’un conte de fees peut contenir, en plus de l’histoire, un message cache, une vérité universelle. Rapelle-toi que c’est cet element qui se trouve dans certains des livres pour jeunes qui encouragent ceux-ci à lire les grandes oeuvres littéraires. Souviens-toi que derrière l’histoire principale, les personnages et le style se cache la valeur réelle du livre- son message.

Reprenons alors les étapes que tu dois suivre: [1] repérer le thème de l’histoire et savoir l’exprimer en ses propres termes de façon concise; [2] rester alerte, reconnaître les symboles, selon le cas, et savoir expliquer ce qi’ils représentent; [3] identifier les valeurs humaines présentés par l’auteur et decider si elles resortent du domaine des valeurs matérielles ou de celui des valeurs spirituelles; ensuite, selon sa propre façon de penser, les classer par ordre d’importance; [4] enfin, et c’est très important- réfléchir sur ces éléments cachés et se demander comment ils touchent à sa vie personelle.

Combien de lecteurs, vieux ou jeune, prennent le temps de suivre ces étapes? Toi, Pat, est-ce que tu lis vraiment un livre? Est-ce que tut e donnes la peine d’y ressortir les trésors cachés?

Avec mes salutations respectueuses,
Howard Pease

Howard Pease, Pat et un compte rendu à la St-Jean

Vous avez sans doute tous entendu parler du canard à l’orange, des crêpes à la française, des pommes de terre à la normande et de toute une foule d’autres recettes à la quoi que ce soit. Ce qui suit est une description de l’une de mes recettes de classes préférées, le compte rendu de livre à la St-Jean. Cette recette saura aiguiser l’appétit des étudiants les plus déconcertés et satisfaire les exigences du ministère de l’Éducation en matière de l’intégration des capacités linguistiques. Cette recette spéciale, ou toute adaptation, et la méthode de travail qu’elle suppose et sur lesquelles elle est fondée devraient figurer dans le livre de recettes pédagogiques de chaque professeur de langue.

Tout comme la plupart de nos outils pédagogiques, celui-ci a sa propre histoire et a évolué de façon marquée au cours des années. C’était au début des années soixante-dix, en faisant énormément de lecture dans le but d’élaborer un programme sur les médias de masse, pour l’école où j’enseignais que je suis tombé par hasard sur une lettre qu’un écrivain de romans pour adolescents avait écrite à l’un de ses jeunes lecteurs qui désiraient connaître la différence entre un bon et un mauvais livre, entre celui qui vaut la peine d’être lu et celui qui n’en vaut pas l’effort. Le nom de l’écrivain était Howard Pease et celui du jeune lecteur, Pat. J’ai lu la lettre et comme il nous arrive parfois, mon esprit s’éclaira… La lettre d’Howard Pease à Pat est un document que mes étudiants venaient à connaître à fond durant le cours d’un an.

De tous mes outils d’enseignements, celui-ci est devenu un de mes plus précieux, grâce à son habilité à faire de mes étudiants de meilleurs « lecteurs » de romans, de films, d’émissions à la télévision.


UNE VÉRITÉ MALHEUREUSE…

Dans nos classes de langue, on assigne certains livres qui doivent être lus pour une date spécifique. Ceci est bien.

Malheureusement, ce qui s’en suit n’est pas, selon moi, si bien. Le professeur arrive en classe, souvent le vendredi, et donne à ses étudiants un test de contenu, qui consiste de 25 questions ou plus du type : remplissez l’espace, soulignez le bon mot ou choix multiple. Ceci est dans le but d’apprendre si l’étudiant à bien lu le livre. Notons ici que tout ce que l’élève requiert pour réussir le test est une bonne mémoire
.
L’étudiant retourne à la maison pour le weekend armé de photocopies d’analyses de critiques de haute renommé sur la biographie de l’auteur, le style, les thèmes ou encore les symboles majeurs du roman. De plus, on lui demande d’acheter un exemplaire des notes Cole’s ou de documents semblables pour lire durant la fin de semaine.

C’est le lundi que finalement le gros du travail débute, au moins pour le professeur. Celui-ci se présente en classe avec sa serviette pleine à craquer de notes au sujet du roman en question qu’il est allé chercher dans les matériaux les plus érudits — et dans les notes Cole’s… Ainsi armé à son tour, il commence une analyse, chapitre par chapitre, du roman. Parfois, ceci dure plusieurs semaines, selon le temps disponible au calendrier scolaire. À la fin, essoufflé, fatigué par tout ce travail qu’il a du faire pour leur aider à sortir des cavernes, il leur donne un autre test de contenu pour vérifier s’ils développaient leurs habiletés d’écoutes pendant qu’il développait son habileté de parler.

Et partout dans le monde, nos ministères d’éducation se demandent pourquoi nos jeunes ont tellement de misère à développer les habiletés langagières de l’écoute, du parlé, de l’écrit et de la lecture. Celui qui fait le travail apprend. C’est aussi simple que ça. Si c’est le professeur qui fait tout ou presque tout le travail, c’est lui qui en profite.

Si vous commencez maintenant à vous poser des questions en ce qui a trait à mes sources d’information sur ce qui se passe trop souvent dans nos salles de classe, je vous en prie, n’allez pas plus loin. Toutes les erreurs mentionnées ci-haut je les ai commises. Mea culpa! Mea culpa! Mea maxima culpa! Et un jour, peut-être comme St-Paul, je suis tombé du haut de mes grands chevaux et j’ai vu la lumière. [J’espère pouvoir vous en dire plus au sujet de ma philosophie de l’enseignement d’une langue dans un autre écrit.]

Ce que j’ai toujours aimé de l’approche Pease en ce qui a trait à la vraie lecture d’un livre est qu’elle met la responsabilité de la compréhension de ce qui vient d’être lu où elle appartient : dans les mains du lecteur! Aussitôt qu’un apprenant comprend ce qu’est un critère ainsi que les quatre critères d’Howard Pease pour évaluer un roman, un film, il peut par lui même en tirer profit de n’importe livre qu’il lit, de n’importe film qu’il visionne. En effet, il est sur la bonne route pour devenir un bon critique; tout en même temps il acquiert les habilités langagières que ses professeurs de langues sont mandatés de lui faire acquérir.


CELA DIT…

Voici comment je traitais du compte rendu à la ST-JEAN.

Durant la première semaine de classe, je signalais à mes étudiants qu’ils auraient à lire deux livres supplémentaires durant notre temps ensemble pour en faire des comptes rendus. L’un de ces comptes rendus serait présenté sous forme de composition écrite [ qu’ils apprendraient à faire durant la première partie du semestre] et l’autre ferait l’objet d’une présentation orale devant le reste de la classe. C’est l’aspect le plus important du programme d’expression orale. Je les assurais également qu’au moment venu ils seraient bien en mesure de faire une bonne présentation, tout comme l’avaient fait leurs prédécesseurs.

Je leur demandais donc de choisir et de faire approuver leurs livres aussitôt que possible, car le temps s’écoulait vite. Je les avertissais aussi des dangers de la procrastination… Ils étaient maintenant prêts à commencer.Après bonne secousse, je parvenais en fin à leur enseigner la méthode du compte rendu à la St-Jean.

Premièrement, je leur faisais lire tout bas la lettre d’Howard Pease. Ensuite, on la lisait et discutait en groupe. Au moyen d’unités d’études spécifiques, les étudiants examinaient et analysaient plus en détail les quatre critères d’évaluation d’un roman proposés par M. Pease. Ces unités prenaient des formes différentes presque et chaque année, mais elles visaient toujours à assurer la grande participation des étudiants dans diverses activités linguistiques. Au cours des années, je m’étais rendu compte que le plus je travaillais le plus que c’était moi qui apprenais. J’essayais donc faire en sorte qu’ils aient le gros du travail.

Je leur demandais par exemple de se diviser en groupes et de trouver, pour la classe suivante, des moyens qui aideraient aux étudiants de chaque groupe à apprendre ce qu’était un thème. Après avoir étudié et discuté ensemble les moyens proposés par chaque groupe, les étudiants étaient prêts à évaluer n’importe quel roman, film ou oeuvre littéraire selon le premier critère de Homard Pease qui est de « trouver le thème d’une histoire et l’exprimer le plus brièvement possible en ses propres termes. »

Après avoir étudié les quatre critères au moyen d’unités semblables, les étudiants étaient appelés à évaluer, selon les quatre critères de M. Pease, un film qu’ils avaient vu récemment. Ils procédaient ensuite à l’évaluation d’un des romans étudiés en classe et à une discussion de groupe. À la fin de cet exercice, ils commençaient à connaître très bien Howard Pease et ses quatre critères et étaient en mesure de les appliquer eux-mêmes.

À ce moment, je leur rafraîchissais la mémoire en ce qui avait trait aux deux comptes rendus de livre à préparer. Je leur signalais quand le compte rendu du livre écrit devait être remis. Cette date ne posait habituellement aucun problème, car les étudiants avaient déjà assimilé toutes les étapes à suivre pour rédiger une dissertation, à partir de la sélection d’un sujet jusqu’au dernier brouillon. Nous avions étudié ces étapes en classe. Aussi, les étudiants avaient rédigé une composition en groupes et ils avaient déjà remis ou étaient en train de préparer un travail important dans le but de mettre en pratique individuellement ce qui avait été fait en groupe.

Habituellement, c’est le compte rendu de livre oral qui est le plus déconcertant pour les étudiants. Voici comment je m’y prenais pour les aider à réussir.

Je demandais à un étudiant de reproduire sur une feuille de 8”x11” le calendrier scolaire pour la durée du cours. Je marquais ensuite d’une croix les jours de classe normale. J’avais appris au cours des années que d’avoir plus de deux présentations par semaine tendait à devenir monotone. Je laissais donc deux jours par semaine libres sur le calendrier.

À l’aide de ces calendriers, les étudiants choisissaient leur date de présentation en écrivant au stylo leur nom dans la case appropriée. J’avertissais les étudiants que les premiers arrivés seraient les premiers servis. Les étudiants pouvaient prendre toute la période pour faire leur présentation — et la plupart avaient besoin de tout le temps alloué!

Chaque présentation devait débuter par un bref sommaire du livre choisi. Si ce livre n’était pas un roman, l’étudiant devait, avec mon aide, établir d’autres critères d’évaluation. Ceci était de mise parce que quelques-uns des critères de M. Pease ne se prêtent pas bien à l’évaluation d’oeuvres littéraires telles que les biographies, les autobiographies, la littérature informative, et ainsi de suite.
Ce sommaire était suivi d’une évaluation exhaustive du livre lu selon les critères d’Howard Pease que l’on retrouve dans sa Lettre à Pat,qui suit cet écrit. Chaque présentation prenait habituellement la plupart de la période de rencontre. Toutefois, j’exigeais que les 7 ou 10 dernières minutes soient réservées pour une période de questions.

Ceci résume ce que devait faire celui qui présentait. Mais, pendant ce temps, que devait faire celui qui écoutait, surtout si la présentation n’était pas particulièrement intéressante, qui était assez souvent le cas, surtout aux niveaux juniors et non- académiques. [Il est important de se rappeler ici que le but de l’exercice était d'améliorer les techniques d’expression orale de celui qui présentait. Il était donc irréaliste de s’attendre à ce que celui - ci soit en mesure de s’exprimer comme un expert.] J’ai donc songé à diverses tâches que pouvaient accomplir ceux qui écoutaient pour les maintenir éveillés.

Par exemple, à la fin de la période, je choisissais au hasard deux ou trois étudiants qui devaient préparer individuellement une critique de la présentation qu’ils venaient d’entendre. Ces critiques devaient être écrites et présentées au début de la prochaine classe où il n’y aurait aucune présentation. Il se pouvait qu’un étudiant soit choisi deux ou même trois fois de suite. Aucun étudiant ne se permettrait pas d’être distrait même s’il avait déjà été choisi une ou deux fois pour rédiger une critique.

Les étudiants pouvaient aussi être appelés à écrire sur un bout de papier quelques questions qui poussaient à la réflexion et/ou à la discussion sur les divers sujets qui avaient été touchés durant la présentation. Je recueillais parfois ces questions pour les noter. Souvent on s’en servait pour entamer la discussion. Ces activités occupaient la plupart de mes étudiants durant chaque présentation. Il va sans dire qu’il me faillait consacrer un certain temps à leur apprendre comment préparer une critique constructive et comment poser des questions qui poussaient à la réflexion. On dressait également une liste des critères à remplir pour bien s’exprimer laquelle liste était pour servir dans l’évaluation de la présentation orale.

Aux niveaux plus avancés, j’exigeais que mes étudiants en fassent davantage dans leurs travaux oraux et écrits. Ils devaient non seulement se servir des critères d’Howard Pease mais aussi identifier, expliquer et utiliser deux de leurs propres critères pour évaluer une « oeuvre littéraire ». [J’emploie « littéraire » au sens large du terme, c’est-à-dire pour comprendre les oeuvres écrites ainsi que les films, les émissions de télévision, etc.].

Et voilà ce qui en était du compte rendu de livre à la St-Jean: un outil pédagogique qui assurait la participation de tous les étudiants à une myriade d’activités linguistiques. En fait, il touche à tous les aspects principaux de la langue soit lire, écrire, parler, écouter et penser.

Les étudiants n’oublient jamais le compte rendu à la St-Jean. Ils s’en sont servi trop souvent pour ne pas s’en souvenir. Il y a quelques années une étudiante à qui j’avais enseigné environ dix ans auparavant m’a demandé si je me souvenais de la lettre qu’Howard Pease avait écrite à Pat. Naturellement, je lui ai répondu à l’affirmative. Elle m’a ensuite demandé si j’aurais l’obligeance d’en envoyer une copie à sa mère qui était professeur à une école primaire à Sudbury et qui suivait un cours de langue à l’université. Elle voulait apprendre une technique pour évaluer un roman, car elle devait faire un compte oral d’un roman. Je lui ai expédié le matériel requis et j’ai appris par la suite que la mère et la fille m’étaient très reconnaissantes, car le travail de la mère lui avait mérité l’éloge de son professeur.

En résumant, il est important de noter que la recette décrite ci-haut peut s’adapter d’une multitude de façons. La flexibilité est la clé de l’usage efficace des quatre critères d’Howard Pease. Ceux-ci peuvent être utilisés de diverses façons, pour des fins diverses et à divers niveaux scolaires. Par exemple, au rang académique de la 12e année, on peut s’en servir pour évaluer deux livres, l’un sous forme de dissertation et l’autre sous forme de présentation orale devant la classe. D’autre part, les étudiants au secteur non académique de la 12e année, peuvent s’en servir pour évaluer un livre et/ou un film et/ou une émission de télévision.

Il vaut la peine de se rappeler que le critère de prime importance chez Howard Pease est l’adaptation. Et, je vous assure que les possibilités d’adaptation sont illimitées…

Bonne chance!